Vers le rétablissement
La notion de « rétablissement » est née à partir des années 1970 dans les pays anglo-saxons. Le mouvement a été porté par les mouvements d’usagers avec notamment Patricia Deegan et Bill Anthony qui militaient pour la reprise du pouvoir d’agir. Son déploiement en France est beaucoup plus récent.
Qu’est-ce que le rétablissement ?
Le rétablissement correspond à un cheminement de la personne, dans la durée, pour reprendre le contrôle de sa vie et trouver sa place dans la société.
C’est une démarche personnelle de réappropriation du pouvoir d’agir (empowerment). Il s’agit de retrouver une citoyenneté pleine et entière après avoir réussi à contrôler ou vivre avec les symptômes et avoir réappris à exercer certaines habiletés de fonctionnement.
Le rétablissement est bien plus que la maîtrise des symptômes, c’est aussi et d'abord retrouver une estime de soi, des rôles valorisants et un bien-être.
Bill Anthony, l’un des usagers à l’origine du concept du rétablissement, dit en 1993 :
Une approche basée sur le rétablissement introduit, de manière résolue, la notion d’espoir dans le monde de la psychiatrie et demande un accompagnement sanitaire et social coordonné sur le long terme, guidé par les désirs et objectifs de la personne, et axé d’emblée vers l’autonomie.
Les cinq principes clés du rétablissement recensés par Samantha Copeland (1997) sont :
- l’espoir : la personne qui connaît des difficultés de santé mentale se rétablit autant que possible, atteint un état de rétablissement stable et entreprend alors de réaliser ses rêves et ses objectifs ;
- la responsabilité personnelle : il incombe à chacun, avec l’aide des autres, d’agir et de faire ce qu’il faut pour continuer à aller bien ;
- l’éducation : il s’agit d’apprendre tout ce que l’on peut sur ce que l’on éprouve afin de pouvoir prendre les bonnes décisions concernant tous les aspects de la vie ;
- le plaidoyer pour soi-même (self-advocacy) : il s’agit de savoir communiquer avec les autres de façon efficace afin d’obtenir ce dont on a besoin, ce qu’on veut et ce qu’on mérite pour continuer à aller bien et à se rétablir ;
- le soutien : en travaillant sur son propre rétablissement, savoir accepter le soutien d’autrui et savoir aider autrui aide à se sentir mieux et améliorer sa qualité de vie.
Ce que n’est pas le rétablissement : ce n’est ni la guérison, ni même la stabilisation des symptômes. La notion de guérison concerne le devenir de la maladie, alors que le rétablissement concerne le devenir de la personne. Ce sont des notions indépendantes.
Ce n’est pas non plus l’absence de handicap qui peut rester bien présent.
Ce n’est pas la capacité et encore moins l’obligation à vivre ou travailler « comme tout le monde ».
Le rétablissement ne suppose pas nécessairement de rémission clinique : dans certains cas, la maladie d’une personne évolue bien mais si la personne reste isolée et désœuvrée, sa qualité de vie est médiocre. À l’inverse, parfois, la maladie évolue moins bien, il reste des troubles, mais si l’environnement offre une vie sociale et des activités, la qualité de vie de la personne et son devenir sont satisfaisants. En cas de troubles mentaux graves, il ne suffit pas de stabiliser l’état de santé. Il importe d’aider la personne à reprendre le contrôle de sa vie, à reconstruire une vie sociale qui lui convienne à travers l’acquisition d’une situation autonome et choisie du point de vue du logement, du revenu, des occupations, et des liens sociaux.
Les cinq étapes du rétablissement (Andresen, Caputi, Oades, 2006) : le rétablissement est un chemin propre à chacun mais qui peut se diviser en 5 étapes successives :
- Temps de retrait : avec profond sentiment de perte et de désespoir ;
- Prise de conscience : réalisation que tout n’est pas perdu, qu’une vie intéressante est possible et retour du sentiment de pouvoir agir ;
- Reconstruction : reprise en main de sa vie, travail actif pour restaurer une identité positive et des objectifs ;
- Préparation : bilan des forces et des faiblesses et début des efforts d’acquisition des compétences pour se rétablir ;
- Croissance : autogestion de la maladie, résilience et restauration de l’image de soi pour un parcours de vie choisi car significatif pour soi.
Les personnes peuvent toujours se rétablir et vivre une vie riche et pleine de sens malgré la persistance des symptômes. Pour autant, aujourd’hui encore, beaucoup de personnes ne sont pas dans une dynamique de rétablissement. Or, trouver le chemin du rétablissement reste toujours possible.
Comment trouver le chemin du rétablissement ?
Le traitement des troubles psychiques ne doit pas se limiter à la réduction des symptômes, il doit également contribuer à valoriser les compétences propres des personnes (Franck, N : Outils de la réhabilitation psychosociale). Pour ce faire, il associe des mesures pharmacologiques à des mesures non pharmacologiques (psychothérapie, réhabilitation psychosociale et mesures sociales). Le traitement doit également accorder plus de place aux demandes et aux besoins des usagers.
Une pratique axée sur le rétablissement (Franck, N : Traité de réhabilitation psychosociale, Elsevier Masson 2018) est nécessairement centrée sur les usagers plutôt que sur l’institution, son organisation et ses méthodes.
Principes d’une pratique axée sur le rétablissement
- Ecouter activement la personne
- Aider la personne à préciser ses objectifs personnels (différents de ceux qui ont été identifiés par les professionnels)
- Montrer que l’on croit en les forces de la personne
- Donner des exemples inspirant l’espoir
- Être attentif aux objectifs qui sortent la personne de son rôle de malade
- Recenser les ressources autres qu’en santé mentale (amis, contacts, organisations, etc.)
- Renforcer les stratégies d’adaptation existantes
- Favoriser les interventions thérapeutiques choisies par la personne
- Avoir une attitude respectueuse et travailler d’égal à égal (collaboration active)
- Appuyer les objectifs autodéterminés, garder l’espoir même si surviennent des rechutes et avoir des attentes positives
Le rétablissement est un changement de paradigme pour les soignants. L’intégration de médiateurs de santé-pairs dans les équipes fait partie de cette dynamique.
Certaines techniques de soins favorisent le rétablissement. C’est le cas des soins de réhabilitation psycho-sociale.
La réhabilitation psychosociale met en valeur les compétences propres des personnes et les renforce, dans l’optique de la réussite de projets concrets, c’est-à-dire du rétablissement fonctionnel, social et personnel. L’orientation vers un parcours de soins en réhabilitation psychosociale doit intervenir le plus précocement possible dans le parcours de soins, mais il n’est jamais trop tard. L’un des outils thérapeutiques de la réhabilitation psychosociale, la remédiation cognitive, cible les processus cognitifs, qui jouent un rôle très important dans la capacité à gérer des situations de manière autonome. Les altérations cognitives sont très hétérogènes dans les troubles psychiques sévères, d’où la nécessité d’une évaluation systématique par un bilan neuropsychologique et de cognition sociale.
La distinction entre réhabilitation et rétablissement est importante. La réhabilitation psycho-sociale fait référence aux services et aux techniques qui sont mis en place pour les personnes ayant des incapacités afin qu’ils puissent apprendre à s’adapter. La réhabilitation est l’un des outils du rétablissement. Le rétablissement fait référence à l’expérience vécue, ou à la « vraie vie », des personnes qui acceptent et surmontent le défi de leur incapacité.
Se rétablir, c’est reprendre le contrôle de sa vie, se réengager dans une vie active et sociale, et aller vers le projet de vie qu’on a choisi de privilégier. C’est un chemin non linéaire, jamais terminé. Il peut y avoir des rechutes. Ce qui est essentiel, c’est de rester engagé dans la démarche et de garder une vision positive de l’avenir.
Chaque personne concernée trace son propre chemin de rétablissement avec l’accompagnement, en partenariat de ses proches et des professionnels, mais aussi de toute la société qui a sa part du chemin en travaillant l’inclusion et la déstigmatisation.
Mis à jour le 23 novembre 2024